De l'ambition à l'action : Évaluation du leadership de l'Europe en matière de climat lors de la COP28
Cet article fait partie de notre série sur la COP28. Pour en savoir plus sur CATF , rendez-vous à la COP28.
La COP28 arrive à un moment charnière pour l'action climatique européenne. Non seulement nous arrivons à la conclusion d'une ère monumentale d'action climatique en Europe - le mandat de la présidente de la Commission, Mme von der Leyen, a été défini par une expérience sans précédent en matière de politique et de réglementation climatiques - mais aussi à un moment où le personnel change au sommet et où des élections européennes se profilent à l'horizon. Au sein de l'UE, les politiques nationales et régionales ont été dominées par des discussions sur les coûts de l'énergie, l'action climatique et la planification économique.
La COP28 à Dubaï est donc une occasion bienvenue de faire le point, de recalibrer et de renforcer l'approche de l'Europe en matière de transition énergétique.
Au cours des quatre dernières années, des dizaines de politiques européennes notables en matière de climat ont été mises en place dans tous les grands secteurs. Parmi celles-ci, on trouve des innovations politiques telles que le premier mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) au monde et le règlement sur les importations de méthane - deux jalons mondiaux dans la poursuite d'une décarbonisation profonde. La COP est le forum idéal pour présenter ces avancées et, plus important encore, pour négocier les partenariats internationaux à long terme nécessaires pour les mettre en œuvre.
Il convient toutefois de souligner que l'Europe n'est toujours pas sur la bonne voie pour atteindre ses objectifs en matière de climat. Bruxelles ne peut pas se reposer sur ses lauriers. Mme Von der Leyen l'a reconnu dans son discours sur l'état de l'Union européenne en octobre, lorsqu'elle a réaffirmé que le Green Deal européen ne faisait que commencer : "Lorsqu'il s'agit du marché vert européen, nous maintenons le cap. Nous restons ambitieux. Nous nous en tenons à notre stratégie de croissance.
L'Europe, longtemps considérée comme un pionnier en matière de climat, est aux prises avec un paysage géopolitique et macroéconomique bouleversé. Les décideurs politiques reconnaissent désormais que la politique climatique ne peut exister de manière isolée ; elle doit être associée à des plans de prospérité économique et de sécurité énergétique, et la politique européenne doit tenir compte des tendances mondiales afin de tracer une voie stable vers les années 2030 et 2040. La stratégie visant à atteindre la neutralité climatique en 2050 doit pouvoir résister aux chocs extérieurs, qu'il s'agisse des insécurités énergétiques, de la rareté des ressources ou de la dépendance excessive à l'égard de l'industrie manufacturière extérieure, ainsi qu'aux défis intérieurs tels que le court-termisme rampant, le vieillissement de la main-d'œuvre, les coûts élevés de l'électricité et les perspectives économiques incertaines.
La COP28 nous rappelle avec force que les efforts de décarbonisation de l'Europe doivent dépasser les frontières. Seule, l'Europe ne peut pas lutter contre le réchauffement climatique. L'interconnexion avec de multiples marchés après le découplage avec la Russie souligne l'importance de l'Europe en tant que premier importateur mondial d'énergie. En outre, le rôle de pionnier de l'Europe en matière de technologies propres exige une adoption mondiale pour atteindre les objectifs climatiques. Compte tenu de l'augmentation de la demande mondiale d'énergie d'ici à 2050, les stratégies européennes à long terme doivent s'aligner sur cette réalité.
En outre, les compétences de l'Europe en matière de diplomatie climatique et son rôle de "régulateur mondial" peuvent faciliter la transition vers un nouveau système énergétique propre. La formulation de normes universelles inclusives devrait permettre de rationaliser la tâche colossale que représente la coordination d'une transition mondiale vers une infrastructure énergétique propre.
Les deux dernières années ont été tumultueuses pour l'Europe, caractérisées par d'importantes perturbations énergétiques et climatiques, ce qui a incité à réévaluer les approches conventionnelles. Cela signifie que des options technologiques auparavant interdites , telles que le captage et le stockage du carbone, gagnent enfin du terrain, que l'énergie nucléaire revient dans les discussions et que le rôle de l'hydrogène est en train d'être réexaminé. Il faut espérer que cela marque le début de l'adoption par les décideurs politiques européens d'une stratégie basée sur les options, qui privilégie une décarbonisation rapide plutôt qu'une pureté idéologique apparente.
Pour le reste du monde, l'Europe offre quelques leçons essentielles. Le parcours en dents de scie de l'UE, avec ses politiques ambitieuses juxtaposées à des bouleversements énergétiques, sert d'exemple aux autres régions qui aspirent à la neutralité climatique. Même dans ce qui semble être un plan bien structuré, la nécessité de l'incertitude et de la flexibilité dans les plans de transition est évidente pour créer des stratégies vraiment solides.
Alors que nous naviguons dans un univers géopolitique tumultueux que l'on pourrait qualifier de "permacrise", il est évident que le chemin de l'Europe vers la neutralité climatique exige de la planification, de l'adaptabilité et de la résilience. Ce recalibrage nécessite une stratégie tournée vers l'avenir, qui ne se contente pas de relever les défis immédiats, mais anticipe et atténue les incertitudes futures. L'avenir exige une approche globale cohérente qui transcende les frontières géographiques, s'aligne sur l'escalade de la demande énergétique et navigue dans un paysage macroéconomique dynamique.
La conclusion de la COP28 ne doit pas seulement marquer l'atteinte de jalons, mais le début d'une stratégie solide et adaptable pour une Europe climatiquement neutre dans un paysage mondial en constante évolution. L'heure est à la collaboration mondiale, aux stratégies adaptatives et aux solutions innovantes, et l'Europe se tient au bord du précipice, prête à mener la charge.