L'ambition du Parlement européen en matière de décarbonisation maritime est insuffisante
La semaine dernière, le Parlement européen a voté en séance plénière sur deux textes législatifs essentiels pour la décarbonisation du secteur des transports : le règlement maritime FuelEU et le règlement sur les infrastructures pour carburants de substitution (AFIR).
Les positions adoptées par le Parlement encouragent le déploiement de carburants à zéro émission de carbone pour réduire les émissions du secteur des transports, mais il faudra faire preuve de plus d'ambition pour parvenir à une décarbonisation profonde du secteur.
Le secteur des transports accuse un retard important dans la réduction des émissions par rapport aux autres secteurs émetteurs. C'est le seul secteur européen qui a vu ses émissions augmenter depuis 1990.
Les émissions du secteur maritime méritent une attention particulière de la part des institutions européennes. Si le secteur était un pays, il se classerait au sixième rang des pays ayant les plus fortes émissions de GES, devant l'Allemagne et le Royaume-Uni. En outre, selon l'Organisation maritime internationale (OMI), les émissions de gaz à effet de serre du secteur "pourraient augmenter de 50 à 250 % d'ici à 2050."
carburants à zéro émission de carbone Les émissions de GES du secteur maritime peuvent être réduites en passant du fioul lourd et du diesel marin au site carburants à zéro émission de carbone. Les plus prometteurs sont l'hydrogène et l'ammoniac. Ces combustibles ne contiennent pas d'atomes de carbone et n'émettent donc pas de dioxyde de carbone lorsqu'ils sont consommés. Ils minimisent les émissions de gaz à effet de serre tout au long de leur cycle de vie lorsqu'ils sont produits par des voies bénéfiques pour le climat.
L'une des meilleures options à court terme pour la décarbonisation est l'utilisation d'e-carburants, des carburants synthétiques fabriqués à partir d'hydrogène qui peuvent être facilement intégrés aux technologies et infrastructures existantes du secteur maritime, réduisant ainsi les coûts financiers et les délais de transition des carburants actuels.
Les propositions législatives présentées par la Commission en juillet 2021 constituaient un bon point de départ, mais elles ne prévoyaient pas de mesures de soutien au déploiement des carburants électriques ni de planification du déploiement de l'infrastructure nécessaire à long terme pour l'ammoniac et l'hydrogène dans le secteur maritime.
Tant les organisations de la société civile que les entreprises ont demandé aux institutions européennes d'inclure des mesures spécifiques soutenant le déploiement de l'ammoniac et de l'hydrogène dans le secteur. Deux types de mesures étaient nécessaires :
- Un multiplicateur qui permettrait aux entreprises utilisant des e-carburants de compter plusieurs fois leur contribution aux objectifs de réduction des GES. CATF a recommandé un multiplicateur d'au moins 4.
- Un sous-quota pour les e-carburants, obligeant les entreprises à utiliser au moins 6 % d'e-carburants d'ici à 2030.
Sur AFIR, le rapport de l'eurodéputé Ertug (S&D, DE) comprend des objectifs pour le déploiement d'infrastructures pour l'ammoniac et l'hydrogène. Sur FuelEU Maritime, le rapport de l'eurodéputé Warborn (PPE, SE) comprend des mesures visant à soutenir l'adoption des e-carburants : un multiplicateur de 2 pour les entreprises utilisant des carburants renouvelables d'origine non biologique (RFNBO), et un sous-quota obligeant les entreprises à utiliser au moins 2% de carburants RFNBO d'ici 2030 (s'appliquant uniquement aux grandes entreprises). Elle a également ajouté un objectif plus strict de réduction des émissions de GES, passant de 13 % à 20 % en 2035.
Bien qu'il s'agisse d'une avancée positive, le Parlement aurait dû adopter des positions plus ambitieuses pour garantir des multiplicateurs et des sous-quotas plus efficaces. Les objectifs adoptés ne suffiront pas à rendre les e-carburants compétitifs en termes de coûts et il est donc peu probable qu'ils remplacent rapidement les carburants très polluants utilisés aujourd'hui dans le secteur maritime.
Le Parlement va maintenant entamer des discussions en trilogue avec le Conseil, qui a arrêté sa propre position sur AFIR et FuelEU Maritime en juin. Les approches générales du Conseil n'incluant pas d'objectifs en matière d'infrastructures ou de sous-quotas, les propositions du Parlement risquent d'être affaiblies lors du processus de trilogue.