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Prêt à être déployé : Comment l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis peuvent développer le captage et le stockage du carbone dans le Golfe

12 octobre 2023

Cette semaine, la région MENA (Moyen-Orient Afrique du Nord) accueille sa deuxième Semaine du climat, qui est une occasion importante pour la région de se réunir et de discuter de ses priorités et actions en matière de climat. Cette réunion est une étape particulièrement importante pour les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG), dont la croissance économique est étroitement liée à la production de combustibles fossiles, et pour la mise en œuvre d'actions en faveur du climat.  

L'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, en particulier, se sont fixé pour objectif de parvenir à des émissions nettes deCO2 nulles d'ici 2060 et 2050 respectivement. Ces deux pays ont également élaboré des plans de décarbonisation du secteur de l'électricité en développant rapidement les énergies renouvelables et l'énergie nucléaire.1 Le captage et le stockage du carbone (CSC) doivent également jouer un rôle clé dans la réalisation de ces objectifs climatiques dans les délais impartis, en particulier en tant que moyen de traiter les émissions difficiles à éliminer provenant d'industries telles que la pétrochimie, le ciment et l'acier. Le CSC peut également contribuer à accélérer la décarbonisation du secteur de l'électricité et la conversion des combustibles hydrocarbonés en alternatives à faible teneur en carbone. Le dernier rapport du GIEC indique clairement que le piégeage et le stockage du carbone constituent un élément essentiel des mesures d'atténuation du changement climatique qui évitent les réductions massives de la demande d'énergie. 

La région du Golfe offre un environnement attrayant pour une mise à l'échelle rapide du CSC, en raison de l'étendue de la géologie propice au stockage duCO2 et de la présence de compagnies pétrolières nationales (CPN) qui possèdent les ressources économiques et l'expertise nécessaires pour relever ce défi. L'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont clairement la possibilité de devenir des leaders mondiaux dans la démonstration et le déploiement du captage et du stockage du carbone, non seulement pour atteindre les objectifs nationaux de décarbonisation, mais aussi pour contribuer à faire baisser les coûts de la technologie, démontrer de nouvelles technologies et faire progresser le CSC en vue d'une adoption plus rapide à l'échelle mondiale.  

Comme d'autres grandes régions productrices d'hydrocarbures, le Golfe peut déployer ses ressources pour commencer à restituer le carbone à la Terre. Ce blog résume l'état actuel du CSC en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis et présente quelques mesures clés qu'ils peuvent prendre pour maximiser l'opportunité de décarbonisation de ces technologies. 

Arabie Saoudite
PIB3,2 % de croissance annuelle en 2021.2  
Émissions de CO2672 Mt (1,8 % du total) : 50 % pour l'électricité, 24 % pour l'industrie.3 
Politique climatiqueObjectif de zéro émission nette d'ici 2060. 
Estimation du potentiel de stockage de CO25,2 Gt dans les réservoirs de gaz épuisés, 40-318 Gt dans le bassin du Rub'al-Khali.4  
Projets CSC en coursDepuis 2015, le projet de récupération assistée du pétrole d'Uthmaniyah a stocké jusqu'à 0,8 Mt/an deCO2 extrait du gaz naturel.5
Politiques et plans en matière de CSCL'objectif est de produire 9 Mt/an de CSC à partir de 2027 au centre de Jubail, puis 44 Mt/an d'ici à 2035. Il est également prévu de créer un centre oriental davantage axé sur le CSC. Les nouvelles centrales électriques au gaz doivent être équipées du CSC.6 
Émirats arabes unis
PIB3,9 % de croissance annuelle en 2021.2 
Émissions de CO2204 Mt (0,55 % du total) : 40 % pour l'électricité, 43 % pour l'industrie.3 
Politique climatiqueInitiative stratégique visant à atteindre un niveau d'émissions nettes nulles d'ici à 2050. 
Estimation du potentiel de stockage de CO25,9 Gt dans les réservoirs de gaz épuisés, 16,7 Gt dans la "capacité non découverte".4,7 
Projets CSC en coursDepuis 2016, le projet Al Reyadah capture jusqu'à 0,8 Mt/an deCO2 provenant d'une usine de fer à réduction directe et l'utilise pour la récupération assistée du pétrole.5 
Politiques et plans en matière de CSCADNOC vise une production de 10 Mt/an deCO2 capturé et stocké d'ici 2030. Les premières cibles sont les installations de traitement du gaz, l'installation de Habshan faisant l'objet d'une décision d'investissement finale en 2023. Une injection pilote dans un aquifère salin carbonaté est prévue à partir deCO2 provenant de la production d'engrais. 
Figure 1. Émissions de sources ponctuelles en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, par secteur.4 

Quelles sont les sources et les puits régionaux de dioxyde de carbone ? 

La figure 2 montre la répartition des émissions de sources ponctuelles dans les deux pays, en mettant en évidence les concentrations d'émissions des secteurs de l'électricité, du pétrole et du gaz le long du golfe Persique, ainsi que dans d'autres agglomérations urbaines telles que Riyad et Jeddah. Les émissions des cimenteries sont beaucoup plus dispersées.  

À titre de comparaison, la figure 3 montre que les bassins sédimentaires présentant un potentiel de stockage géologique sont également principalement situés autour du golfe Persique, ainsi que dans les déserts du nord et du sud de l'Arabie saoudite. La plus grande capacité de stockage potentielle est associée au bassin sédimentaire de Rub'al Khali, qui couvre le sud de l'Arabie saoudite et l'ensemble des Émirats arabes unis. Le potentiel de stockage salin est plus incertain autour de la mer Rouge et par le biais de la minéralisation dans des formations rocheuses spécifiques que l'on trouve dans les deux pays. 

Figure 2. Émissions ponctuelles en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis8 
Figure 3. Zones propices au stockage géologique dans la région.9 

Quelles mesures les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite peuvent-ils prendre pour déployer le CSC ? 

  • Créer une stratégie de déploiement de la gestion du carbone 

    La volonté politique est un ingrédient indispensable pour faire progresser les technologies climatiques et mettre en place le système politique, commercial et réglementaire qui peut faciliter la mise à l'échelle des solutions. Une première étape pour créer une nouvelle industrie de gestion et de stockage des flux de CO2 devrait être la création d'une stratégie politique spécifique, capable d'apporter de la clarté aux parties prenantes et de promouvoir l'investissement. Les stratégies doivent définir des objectifs généraux et mettre en œuvre les mesures nécessaires pour les atteindre :  
    • Fixer des objectifs de déploiement : en termes de tonnes réduites et de secteurs à décarboniser
    • Déterminer les rôles des différents acteurs des secteurs privé et public
    • Mettre en place des fonds dédiés au soutien de projets de démonstration dans des secteurs clés et un cadre investissable pour un déploiement plus large
    • Identifier les domaines de coopération au sein de la région
  • Élaborer des cadres réglementaires pour le captage, le transport et le stockage duCO2

    Garantir un stockage géologique sûr et permanent duCO2 nécessite la mise en œuvre d'un nouveau cadre réglementaire définissant des principes tels que la caractérisation, le développement et la surveillance appropriés des sites de stockage, ainsi que des exigences en matière de post-fermeture et d'attribution des responsabilités. De nouvelles réglementations et normes pourraient également être nécessaires pour assurer le fonctionnement sûr et efficace des installations de captage duCO2 et des réseaux de transport. Ces cadres apporteront confiance et clarté aux développeurs de projets, aux investisseurs et aux communautés locales, et peuvent permettre une comptabilité internationalement reconnue pour les exportations à faible teneur en carbone. Les réglementations existantes en matière de pétrole et de gaz peuvent constituer la base d'un cadre de stockage, combiné à l'apport de l'expérience internationale et des normes existantes. 
  • Établir un stockage à grande échelle et en libre accès

    Le développement des sites de stockage peut prendre plusieurs années et doit donc être anticipé par rapport à la demande industrielle. La politique devrait exiger des CPN qu'elles procèdent à la cartographie des ressources et à l'examen des sites de stockage duCO2 et qu'elles favorisent un meilleur accès aux données sur le sous-sol, afin de permettre le développement coordonné de bassins prometteurs et de grande capacité, avec un accès rapide aux émissions. Suivant le modèle démontré par le projet norvégien Northern Lights, les centres de stockage devraient être développés avec une capacité excédentaire ouverte aux futures sources deCO2, avec la possibilité de s'étendre de manière progressive. L'accent devrait être mis sur le développement d'un stockage deCO2 dédié et permanent plutôt que sur des voies d'utilisation temporaires ou sur la récupération assistée de pétrole (EOR). 
  • Identifier et promouvoir la croissance des clusters à faible teneur en carbone

    Plusieurs industries fortement présentes dans la région, telles que le traitement du gaz, l'ammoniac et la pétrochimie, représentent des opportunités de réduction à moindre coût pour le piégeage duCO2, en raison de la présence de flux deCO2 plus concentrés. Ces sources peuvent contribuer à la mise en place d'une infrastructure de transport et de stockage qui pourra s'étendre à des sources plus difficiles, telles que le ciment et les centrales électriques. Les gouvernements peuvent collaborer avec les industries régionales pour planifier et dimensionner de manière appropriée les infrastructures de transport partagées afin de répondre à la demande croissante. 
  • Créer des incitations durables pour le CSC 

    De nouvelles mesures incitatives et réglementaires sont nécessaires pour débloquer les investissements dans le secteur. Les subventions ou les prêts peuvent aider à lancer les premiers projets, mais ils devront être suivis d'incitations conçues pour soutenir un déploiement plus large. Ces incitations devraient durer tout au long de la durée de vie du projet, être bancables et facilement reproductibles. Diverses approches fondamentales émergent à l'échelle mondiale, notamment 
    • Normes de performance pour les secteurs (par exemple, l'exigence de l'Arabie saoudite pour les nouvelles centrales électriques au gaz, ou une norme d'intensité carbone pour les produits industriels). 
    • Subventions fixes par tonne stockée (par exemple, le crédit d'impôt 45Q aux États-Unis)
    • La tarification du carbone, soutenue par des subventions plus ciblées telles que les contrats carbone pour la différence (par exemple, les politiques aux Pays-Bas et au Royaume-Uni). 

L'expansion des normes de performance sectorielles peut représenter une voie susceptible d'être rapidement mise en œuvre dans la région. À moyen terme, la demande de divers produits à faible teneur en carbone peut contribuer à soutenir le CSC dans l'industrie en établissant une prime de prix pour ces produits. La demande intérieure peut être créée en stipulant l'utilisation de matériaux à faible teneur en carbone dans les projets d'infrastructure publique. Le marché international de ces produits à faible teneur en carbone connaîtra une croissance rapide et la région peut se positionner comme un exportateur crédible d'acier, de ciment et d'engrais à faible teneur en carbone, ainsi que de carburants dont les émissions intrinsèques sont réduites au minimum. 

  • Établir un principe de leadership des producteurs

    La production de pétrole et de gaz est le moteur des économies de la région, Saudi Aramco ayant réalisé un bénéfice record de 161 milliards de dollars en 2022.10 Étant donné le rôle central des CNO dans le développement des chaînes de valeur du transport et du stockage duCO2, une approche prometteuse pour accélérer le déploiement en amont de la demande pourrait consister à imposer des obligations directes au secteur. Ces obligations pourraient prendre la forme d'un prélèvement financier sur la production (affecté au développement du stockage), d'une obligation de développer une capacité de stockage cible11 ou d'une forme d'"obligation de reprise du carbone" dans laquelle la production est liée à une proportion croissante deCO2stocké12. CATF L'analyse de la Commission indique que le coût de la réduction totale des émissions liées à la production et au traitement du pétrole et du gaz naturel dans les deux pays serait de l'ordre de 15 milliards de dollars par an, dont environ 6 milliards de dollars par an pour le coût du CSC afin de réduire les émissions liées au traitement du gaz, à la production de gaz naturel liquéfié et au raffinage du pétrole. Pour le pétrole, la réduction des émissions en amont ajouterait moins de 2 dollars au prix du marché du baril.13 
  • Déployer l'élimination du dioxyde de carbone industriel à des fins nationales et internationales

    Les objectifs d'émissions nettes nulles impliquent que l'élimination duCO2 de l'atmosphère joue un rôle nécessaire pour contrebalancer les émissions qui sont plus coûteuses à réduire par d'autres moyens. Le stockage géologique duCO2 biogénique ou atmosphérique peut fournir des réductions mesurables et permanentes et fera donc l'objet d'une demande croissante tant au niveau national qu'international. Grâce à sa grande capacité de stockage et à ses ressources énergétiques propres, la région est bien placée pour faire la démonstration du captage direct dans l'air et le développer, à condition que les réductions d'émissions soient correctement hiérarchisées. Des règles pour le transfert international des émissions et des absorptions sont en cours d'élaboration au titre de l'article 6 de l'accord de Paris, ce qui pourrait constituer un mécanisme d'investissement international dans le stockage duCO2 dans larégion14
  • Contribuer à faire progresser les technologies de CSC pour un bénéfice mondial

    Alors que de nombreuses technologies de captage, de transport et de stockage duCO2 ont été mises au point pour diverses utilisations commerciales, il est encore urgent de démontrer et de réduire les risques liés au captage duCO2 pour de nouvelles applications industrielles et à de plus grandes échelles. On continue également d'acquérir de l'expérience et d'améliorer le stockage duCO2 dans des réservoirs salins. L'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis sont bien placés pour contribuer à accélérer les efforts mondiaux visant à faire descendre ces technologies dans la courbe d'apprentissage et à réaliser des investissements stratégiques dans les nouvelles technologies prometteuses de captage duCO2, en particulier lorsqu'elles sont destinées à des applications clés telles que le ciment, l'acier, l'électricité et le raffinage. Cette approche pourrait s'étendre à l'aide au financement de projets dans les pays du Sud.  
  • Vers un marché international duCO2
    L'énorme potentiel de stockage de l'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis offre la possibilité de servir de plaque tournante du stockage duCO2 pour l'ensemble de la région, en recevant les importations par gazoduc ou par bateau. L'interconnexion par gazoduc entre les deux pays constituerait une première étape vers une infrastructure transfrontalière résiliente pour leCO2, dans laquelle les émetteurs disposeraient de plusieurs options de stockage. L'analyse d'Afry et de Gaffney Cline estime que ce modèle commercial de "stockage en tant que service" pourrait représenter jusqu'à 1,2 milliard de dollars de valeur ajoutée brute pour la région du Golfe en 2050.4  

L'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont d'importantes émissions nationales liées à leurs secteurs électriques à forte intensité de carbone, à leurs grandes industries pétrochimiques et à la production d'autres matières premières. Les deux pays ont pris les premières mesures de démonstration de projets de CSC, mais doivent maintenant veiller à ce que ces technologies soient rapidement mises à l'échelle pour apporter une contribution significative à leurs objectifs climatiques. Cela nécessitera une stratégie politique claire, qui s'appuie sur l'expérience internationale tout en restant flexible face à un paysage industriel et technologique en évolution rapide. L'adoption d'une approche du CSC axée sur le climat peut donner un signal d'ambition réelle au monde entier. 


1 Programme national pour les énergies renouvelables (2019): 58,7 GW d'énergie éolienne et solaire d'ici 2030 ; Stratégie énergétique nationale des Émirats arabes unis (2023): 19,8 GW d'énergie propre d'ici 2030.  

2 BP (2022) Statistical review of world energy (Revue statistique de l'énergie mondiale). 

3 AIE (2022) Navigateur de données statistiques sur l'énergie ; Notre monde en données (2022) Profils de pays sur leCO2.

4 OGCI (2022) Défis et opportunités de déploiement du CCUS pour le CCG.

5 https://www.catf.us/ccsmapmena/

6 https://www.utilities-me.com/news/all-new-power-plants-in-saudi-arabia-to-add-carbon-capture-facility

7 OGCI, GCCSI, Storegga (2022)CO2 storage resource catalogue cycle 3 report. 

8 CaptureMap d'Endrava (consulté en 2023).

9 GCCSI (2022) Rapport de situation 2022.

10 https://www.aramco.com/en/news-media/news/2023/aramco-announces-full-year-2022-results

11 Commission européenne (2023) Proposition de loi sur l'industrie nette zéro

12 Stuart Jenkins et al. (2021), "Upstream Decarbonization through a Carbon Takeback Obligation : An Affordable Backstop Climate Policy", Joule 5, no. 11 (2777-96).

13 Analyse CATF , sur la base d'une estimation de 220 MtCO2/an d'émissions provenant de la production et du traitement du pétrole et du gaz dans les deux pays, d'estimations des coûts d'application du CSC au traitement du GN, à la production de GNL et au raffinage du pétrole, et en supposant une moyenne de 60 $/t pour la réduction des opérations de production de pétrole et de gaz par l'électrification et d'autres moyens. 

14 IEAGHG (2023) Integrating CCS in international cooperation and carbon markets under Article 6 of the Paris Agreement.

 

 

  

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