Le Canada publie un règlement exhaustif sur le méthane dans l'industrie pétrolière et gazière
Ces normes sont l'aboutissement de deux années d'efforts fédéraux canadiens qui ont débuté par l'engagement du Premier ministre Justin Trudeau à réduire lesémissions de méthane provenant de sources de pollution nouvelles et existantes dans le secteur pétrolier et gazier, et par la signature par le Canada de l'engagement du Sommet des leaders nord-américains avec le Mexique et les États-Unis à réduire les émissions de 40 à 45 % d'ici 2025.
C'est une étape importante à célébrer. La réduction des émissions de méthane provenant du pétrole et du gaz est l'une des mesures les moins coûteuses et les plus efficaces pour ralentir le rythme du réchauffement. Au Canada, le secteur du pétrole et du gaz naturel est le plus grand émetteur industriel de méthane, un puissant polluant qui modifie le climat et qui, livre pour livre, réchauffe le climat 87 fois plus que le dioxyde de carbone dans les décennies qui suivent son émission. Les mesures prises par le Canada constituent le premier plan national au monde à créer une réglementation complète sur le méthane pour le secteur pétrolier et gazier, couvrant à la fois les sources nouvelles et existantes. Il est important de noter que ces règles s'appliquent à tous les sites de l'industrie, y compris les sites de puits de pétrole et de gaz, les usines qui traitent le gaz naturel et les stations de compression des gazoducs. Ces mesures sont conformes à celles prises par un certain nombre d'États américains qui vont de l'avant pour réduire les émissions de méthane, notamment la Californie, le Colorado, la Pennsylvanie, le Wyoming et l'Ohio. Et l'industrie pétrolière et gazière est florissante dans bon nombre de ces États, ce qui montre que ces mesures ne freinent pas l'industrie et ne coûtent pas d'emplois.
Le mouvement mondial en faveur du méthane ne fait que s'amplifier. En dehors du Canada et des États américains, d'autres pays, dont le Mexique et 18 autres, vont de l'avant avec des politiques réglementaires. Dans le même temps, les leaders de l'industrie, les investisseurs militants et d'autres personnes continuent de faire pression pour réduire les rejets inutiles de ce polluant nocif.
Malheureusement, de l'autre côté de la médaille se trouve le gouvernement fédéral américain. Après avoir joué pendant des années un rôle de premier plan dans le développement des technologies et des meilleures pratiques, ainsi que des solutions réglementaires, pour réduire la pollution inutile par le méthane, l'administration Trump tente de ramener les États-Unis à une époque où déverser du gaz dans l'air que nous respirons était acceptable. Cependant, malgré les efforts continus de l'administration pour faire reculer les règles relatives au méthane aux États-Unis, à ce jour, le Congrès et les tribunaux ont rejeté leurs efforts.
La nouvelle réglementation canadienne
Les nouvelles normes canadiennes réduiront les émissions en exigeant des compagnies pétrolières et gazières qu'elles trouvent et réparent les fuites dans leurs équipements, qu'elles réduisent la pollution lors de l'achèvement de nouveaux puits ayant fait l'objet d'une fracturation hydraulique et qu'elles réparent et/ou améliorent des équipements tels que les compresseurs, les réservoirs de pétrole et les valves automatiques actionnées par le gaz naturel.
Grâce à ce règlement, Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) estime qu'entre 2018 et 2035, les émissions de méthane seront réduites d'environ 10 millions de tonnes métriques. Les avantages totaux pour le climat, au cours des prochaines décennies, de ces réductions sont d'environ 845 millions de tonnes métriques d'équivalent CO2 ¹, de sorte que cette règle a des avantages pour le climat semblables à la fermeture de douze centrales électriques au charbon ou au retrait de dix millions de voitures de la route. L'ECCC a utilisé des méthodes standard pour calculer les dommages financiers causés à l'économie par le rejet d'une tonne de méthane ou de dioxyde de carbone, c'est-à-dire les dommages financiers causés par le changement climatique provoqué par ces polluants. À l'aide de ces estimations, le CCCE a estimé que les réductions de pollution découlant de ces règles permettront d'éviter des dommages économiques d'environ 12 milliards de dollars canadiens. Il s'agit certainement d'une sous-estimation des économies réalisées grâce à ces règles.² Dans le même temps, le CCCE a estimé que les coûts totaux de conformité attribuables au règlement final ne seraient que de 3,9 milliards de dollars canadiens sur une période de 18 ans. Ce chiffre ne tient pas compte de la compensation des coûts de conformité qui serait réalisée par la conservation du gaz naturel grâce à la conformité au règlement, qui aurait une valeur marchande d'environ 1 milliard de dollars canadiens. Au total, le CCCE estime que le règlement entraînerait des avantages nets de 8,9 milliards de dollars canadiens.
Le défi à venir - Assurer une mise en œuvre fidèle par les provinces
Cependant, le vrai travail au Canada est sur le point de commencer. En vertu de la loi canadienne, les provinces où la production de pétrole et de gaz est importante (plus précisément la Colombie-Britannique, l'Alberta et la Saskatchewan) devront soit adopter les normes fédérales, soit élaborer leur propre réglementation pour atteindre un niveau similaire de réduction des émissions. Il s'agit d'un processus connu sous le nom d'"équivalence". Avant même que l'encre ne sèche sur les règlements fédéraux définitifs, l'Alberta a publié un projet de règlement faible pour le pétrole et le gaz dans cette province, contestant l'approche fédérale et créant une confrontation sur la détermination de l'équivalence. Le projet de règlement de l'Alberta exige très peu en matière de détection et de réparation des fuites (LDAR), qui est un outil essentiel utilisé pour trouver et réparer les fuites de toutes tailles. Pour plus de dix mille puits et des centaines d'autres sites en Alberta, ces règles n'obligeraient les exploitants à inspecter les puits à la recherche de fuites qu'une fois par an. Les règles fédérales finalisées le 25 mai exigeraient trois inspections par an, alors que les principaux États américains exigent que les exploitants effectuent ces inspections quatre fois par an. Pire encore, l'Alberta permettrait aux exploitants de plus de neuf mille petits puits de ne même pas utiliser d'instruments pour inspecter leurs sites - il leur suffirait littéralement de regarder, d'écouter et de sentir pour détecter les fuites de gaz naturel (qui est invisible et généralement inodore sur les sites de production).
Les règles de l'Alberta permettraient aux exploitants de sites de puits de pétrole existants de rejeter dans l'atmosphère jusqu'à 15 000 mètres cubes de gaz par mois, ce qui est au moins trois fois plus élevé que la limite fédérale. Et à bien des égards, les règles de l'Alberta comptent sur l'industrie pour faire ce qu'il faut avec peu de surveillance, plutôt que d'exiger de l'industrie qu'elle démontre qu'elle respecte les règles. Compte tenu des émissions élevées observées sur les sites de l'Alberta, nous savons que l'industrie de la province n'adopte pas les douzaines de mesures éprouvées qui peuvent être utilisées pour capter les gaz de ces sites, et nous ne pensons donc pas que le fait de faire confiance à l'industrie pour suivre ces nouvelles normes soit une bonne approche.
Le projet de règlement de l'Alberta ne peut être considéré comme " équivalent " au règlement fédéral. Le gouvernement fédéral doit tenir bon et s'assurer que la version finale du règlement de l'Alberta respecte les meilleures pratiques et les politiques de bon sens qui font partie intégrante du règlement fédéral, et qu'elle permet d'atteindre les mêmes réductions d'émissions. Cela ne nuira pas à l'industrie en Alberta ou ailleurs au Canada, et ne coûtera pas d'emplois. Mais c'est essentiel si le Canada veut respecter son engagement à réduire les émissions de méthane et son leadership en matière de changement climatique.
En résumé, les nouvelles de cette semaine en provenance du Canada représentent une bonne nouvelle pour le climat, mais aussi pour la santé publique, les contribuables et l'économie. Mais le véritable test de ces règlements sera l'engagement du gouvernement fédéral canadien à veiller à ce qu'ils soient fidèlement mis en œuvre par les provinces.