Les États-Unis et le Canada font un grand pas vers la réduction progressive de l'utilisation du mazout lourd dans l'Arctique
Dans une déclaration conjointe publiée le 20 décembre 2016, le président Obama et le premier ministre Trudeau ont annoncé de nombreuses initiatives visant à protéger l'Arctique, notamment (1) la désignation de la grande majorité des mers de Chukchi et de Beaufort comme étant indéfiniment interdite à la location de pétrole et de gaz en mer ; (2) le lancement de nouveaux processus visant à identifier des voies de navigation durables dans l'ensemble des eaux arctiques américaines et canadiennes ; et (3) l'engagement à soutenir et à renforcer les fermetures existantes de la pêche commerciale dans les mers de Beaufort et de Chukchi. Enfin, le président Obama et le premier ministre Trudeau ont également annoncé le début d'une stratégie visant à réduire progressivement l'utilisation du mazout lourd (HFO) dans l'Arctique.
Alors que les fermetures d'exploitations pétrolières et gazières en mer ont reçu l'essentiel de l'attention des médias, nous estimons que l'engagement conjoint relatif à l'utilisation du mazout lourd dans l'Arctique n'a pas reçu la couverture qu'il mérite. En particulier, les États-Unis et le Canada ont annoncé que non seulement ils s'efforçaient de réduire progressivement l'utilisation du HFO dans l'Arctique, mais qu'ils demanderaient officiellement à l'Organisation maritime internationale (OMI) d'examiner l'utilisation du HFO dans l'Arctique lors de sa prochaine réunion. L'OMI est une agence spécialisée des Nations Unies chargée d'améliorer la sécurité maritime et de prévenir la pollution par les navires.
L'engagement des États-Unis et du Canada est particulièrement bienvenu dans le nouveau climat politique et survient quelques mois seulement après que les deux pays aient soumis au Comité de protection du milieu marin de l'OMI un document indiquant qu'un " déversement de mazout lourd dans l'Arctique pourrait causer des dommages à long terme à l'environnement ". Cette annonce établit non seulement que les États-Unis soutiendront une réduction progressive du mazout lourd dans l'Arctique, mais aussi que l'administration Obama s'engage à prendre les mesures procédurales requises pour que cette question importante soit officiellement examinée par l'OMI.
Les discussions futures concernant l'utilisation du mazout lourd dans l'Arctique lors de la prochaine réunion de l'OMI porteront probablement à la fois sur les émissions nocives produites par la combustion du mazout lourd et sur les risques de déversement associés à l'utilisation du mazout lourd.
En général, l'utilisation de HFO comme carburant produit des émissions plus élevées de polluants atmosphériques tels que l'oxyde de soufre, l'oxyde d'azote, les particules et le carbone noir (CB), que les autres carburants marins. Le carbone noir, qui est le composant de la matière particulaire qui absorbe le plus la lumière, influence le climat arctique par deux mécanismes différents. Premièrement, lorsque le carbone noir est dans l'air, il réchauffe directement l'atmosphère arctique en absorbant le rayonnement solaire qui, autrement, aurait été réfléchi vers l'espace. Deuxièmement, lorsque le carbone noir se dépose sur des surfaces claires, comme la neige et la glace de l'Arctique, il réduit la quantité de lumière solaire réfléchie vers l'espace. Ce processus entraîne une rétention de chaleur et contribue finalement à la fonte accélérée de la neige et de la glace arctiques. Une étude récente a révélé que le carbone noir émis par des sources situées dans l'Arctique a un effet de réchauffement cinq fois supérieur à celui du carbone noir émis aux latitudes moyennes.[1]
L'utilisation du HFO présente également un risque important de déversement, car il est presque impossible de le nettoyer dans l'environnement arctique. Le HFO étant très visqueux, il s'émulsionne rapidement à la surface de l'océan. En outre, dans des conditions où la couverture de glace est de 10 % ou plus, les barrages flottants et les écrémeurs conventionnels, qui sont généralement utilisés pour contenir et récupérer les déversements de pétrole, sont inefficaces. Toutes ces complications techniques sont aggravées par les difficultés naturelles créées par l'environnement arctique, notamment les dangers pour la navigation comme la glace de mer, le manque d'infrastructures, les fortes tempêtes, les vents violents et les périodes saisonnières d'obscurité de 24 heures. Les déversements de HFO ont également des conséquences aiguës et à long terme sur la vie marine. Les effets immédiats d'un déversement de HFO comprennent l'hypothermie et la mort des oiseaux de mer et des mammifères marins, tandis que les effets à long terme comprennent une réduction de la croissance et des taux de reproduction de diverses espèces.
Les risques d'émission et de déversement associés à l'utilisation du mazout lourd dans l'Arctique ne devraient qu'augmenter à mesure que la couverture de glace de mer de l'Arctique diminue et que les routes maritimes deviennent plus accessibles aux navires utilisant du mazout lourd. Malheureusement, l'Arctique commence déjà à voir ces changements. En effet, le 2016 U.S. Arctic Report Card, qui est publié par la National Oceanographic and Atmospheric Administration des États-Unis, a récemment signalé que l'étendue minimale de la glace de mer à la fin de l'été 2016 était la deuxième plus faible de l'histoire des satellites, qui a commencé en 1979. Par ailleurs, le ministère russe du Développement économique a récemment présenté des chiffres démontrant que les expéditions vers les ports situés le long de la route maritime du Nord russe ont atteint en 2016 le chiffre record de 6,9 millions de tonnes. Ce chiffre est le plus élevé depuis l'époque soviétique, et ne devrait qu'augmenter à mesure que les voies de navigation arctiques continuent de s'ouvrir.
Bien que l'utilisation du mazout lourd dans l'Arctique soit en fin de compte une question mondiale, la déclaration conjointe des États-Unis et du Canada démontre un leadership significatif et constitue une étape importante dans la protection de l'Arctique contre les risques liés à l'utilisation du mazout lourd. Pour ceux d'entre nous qui sont engagés dans ce dossier depuis un certain temps, tant au niveau national qu'international, cette annonce est une bonne nouvelle.